Nous piétinons, voilà le départ est donné il est 9h45. Je pars décontractée et confiante vêtue d’un tee-shirt manches longues largement recouvert de stickers « La Route de Wil ».
Le temps est couvert la température pour l’instant idéale pour courir. Un quart d’heure plus tard, le ciel se découvre et le soleil apparait. Est-ce le nombre de coureurs, l’émotion suscitée par tous ces spectateurs agglutinés sur le bord de la route, mais j’ai tout de suite très chaud. Qui a dit qu’à Londres il faisait toujours mauvais ?
10 km, 1h05, je suis dans les temps des 4h30. Mais Dieu quelle chaleur !! Des manches longues, mais quelle idée j’ai eue !!! J’ai l’impression que je vais exploser et je me sens vidée ! Il me reste encore 32 km….
Bon voyons que puis-je faire ? Je bois, je m’arrose généreusement d’eau, je mange du sucre fffffffffffff…….j’ai chaud, j’ai chaud, j’ai chaud.
C’est décidé au prochain ravitaillement, je demande des ciseaux. « Sorry, have-you… » mince comment on dit ciseaux en anglais … « to cut my….. » Je ne sais pas dire manches non plus !!!! Je gesticule, lui montre mes manches. Cette gentille bénévole aux tâches de rousseur me regarde l’air catastrophé. J’ai l’impression d’avoir été téléportée d’une autre planète. E.T. version fille qui essaie de courir un marathon ! Pas grave, laisse tomber.
Adri, au prochain tu redemandes. Oui, là on me comprend du premier coup, mais pas de ciseaux pas de couteau non plus, que de l’eau ma petite dame.
Et allez, encore un petit coup d’eau sur la nuque. J’essaie de distinguer les magasins qui bordent la route à travers cette foule compacte. Il y a bien des boutiques mais les barrières m’empêcheraient de passer.
15 km, 1h43, et bien, là je suis partie pour 5h au moins. Je suis toujours au bord de l’explosion. Il faut que je trouve une solution.
Ah voilà des pompiers qui applaudissent sur le trottoir, à quelques mètres de leurs camions, prêts à intervenir. « Please, i want to cut my …. » je ne sais toujours pas dire manches … mais en bonne italienne, les gestes viennent au secours des mots. Je suis l’immense pompier dans le camion. « You are sure madame ? » « Yes yes yes cut please !! »
Ils se mettent à deux, un qui tient la manche, l’autre qui coupe. Du beau travail, ils se seraient presque mis à me faire un ourlet pour ne pas effilocher le bord !! Une, deux, je tire dessus et je jette les manches dans un coin près des poubelles.
Je respire enfin « Thank you very very much, have a nice day », « Good luck » me crient-ils pendant que je repars, oui ça du luck je vais en avoir besoin !!
Est-ce que je vais enfin pouvoir courir maintenant ? Je suis dans un état « proche de l’Ohio », comment dire, toute cette chaleur m’a véritablement épuisée. Je trottine mais je n’arrive plus à courir réellement. Je ne vais pas abandonner quand même, pas après deux mois d’entraînement, non je vais continuer pour Wil, surtout pour Wil ; je vais arriver au bout.
20 km, Tower Bridge majestueux devant moi. Je vais courir sur ce pont, mais j’ai plutôt l’impression d’être dans un tunnel, un robot habillé d’un tee-shirt sans manches avec deux énormes jambes en béton. Je ne peux plus courir …..
Je respire profondément, j’avais décidé de ne pas me mettre le stress pour ce marathon, donc, tant pis, je vais marcher, marcher, marcher encore, et quand je serai prête je me remettrai à courir.
21 km, 2h33, Yeah ! Le top, à cette allure, j’en ai au bas mot pour 5h30, et encore si j’arrive de nouveau à courir …
Que c’est long quand on marche. Mais Adri, regarde autour de toi :
Depuis le départ, une foule en délire borde notre route, les charities encouragent les membres de leurs troupes à tue-tête, les familles cherchent leurs héros en brandissant pancartes et banderoles. C’est encore plus dense qu’à New-York. Limite agressif dans certains endroits étroits, on se sent prisonniers de tous ces hourrahs. Les rues sont bordées de maisons en briques rouges et ocres, très Brooklyn. Nous avons croisé les meilleurs au 21e km, ils caracolent en tête et n’en sont plus qu’à 4 miles de l’arrivée.
J’alterne marche et course mais mon rythme est lent, très lent. La grenouille a tout l’air d’un escargot.
A côté de moi Elvis, à gauche un rhinocéros, à droite un chameau et son chamelier, ça y est j’hallucine !! Péniblement j’avance, je bois, je croque mon sucre, j’essaie leur boisson « Fuel » ouais, bon, ce breuvage est infâme.
Toujours la fête, le spectacle, les odeurs pas toujours agréables de grillades, de fumées, d’égouts aussi, mais je suis portée par cette foule enthousiaste. Je vais aller au bout… J’ose à peine regarder le chrono, je concentre plutôt mon regard devant moi.
Nous avons laissé la City et son « suppositoire » sur la droite et nous nous dirigeons vers London Eye et Westminster. Encore plus de monde, un avion me double à gauche, des soldats barda sur le dos marchent à mes côtés. Big Ben indique 15h15, cela fait 5h30 que je me débats. Il me reste 1927m, je finirai en courant, je passe devant Buckingham Palace, je tourne sur le Mall et je vois enfin l’arche d’arrivée. L’avenue est large décorée de drapeaux anglais, Royale !
5h 45mn et 48s
Cette médaille t’appartient Wil, elle n’est que pour toi. Je suis allée au bout pour te l’offrir, et tu sais quoi : je ne suis même pas « dégoûtée » !! Non plutôt certaine de reprendre le départ d’un autre marathon. Merci Wil de m’avoir donné ta Volonté.
Adri, marathonienne londonienne.